1944 |
LA LUTTE de CLASSES – n° 30
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LA LUTTE de CLASSES – n° 30
"France d'abord", dit à Alger le chef stalinien Grenier, qui appartient à un parti qui avait juré en 1921 (scission de Tours d'avec les socialistes) de ne jamais répéter la trahison social-patriote de 14-18.
"France d'abord !" ? Mais à ce cri de guerre ce n'est pas seulement Hitler qui réplique : "Allemagne d'abord !", mais c'est de Naples et du Caire (ou vient de se constituer un gouvernement grec d'union sacrée), que les chefs staliniens répondent : "Italie d'abord !", "Grèce d'abord !"... Car sur le terrain capitaliste, non seulement les intérêts de la France, de l'Italie et de la Grèce s'excluent les uns les autres, mais encore tous les pays du camp allié sont soumis à la dictature de l'Angleterre et de l'Amérique où les chefs staliniens professent la même doctrine social-patriote, et crient "Angleterre d'abord !", "Amérique d'abord !".
"Notre pays d'abord ! ? Mais c'est uniquement par l'exaspération des préjugés nationalistes et par l'exploitation des conflits patriotiques que le régime capitaliste, qui a plongé l'humanité dans les pires catastrophes, se maintient encore. C'est au nom de la patrie capitaliste que la bourgeoisie pousse les ouvriers à égorger les ouvriers du pays d'en face (qui, eux-mêmes, reçoivent de leurs capitalistes le même "enseignement") et verse le sang des ouvriers et des paysans pour lutter contre ses concurrents capitalistes des autres pays.
Mais la guerre comporte un grave danger pour la bourgeoisie. Les maux terribles dont elle accable les masses ouvrent, lentement mais sûrement, les yeux des exploités sur les mensonges et les crimes des impérialistes. Les soldats, quel que soit leur uniforme, commencent alors à refuser de s'entre-égorger sans fin pour le bénéfice des capitalistes, ils fraternisent et retournent leurs armes contre leurs propres exploiteurs (comme cela s'est produit à partir de février 1917 pendant la première guerre mondiale).
Pour empêcher cette fraternisation des travailleurs des différents pays contre la guerre et le capitalisme, la bourgeoisie pourrait-elle trouver de meilleurs agents que des hommes à qui leur étiquette "communiste" avait attiré la confiance des masses ? Mais tous ces mensonges sur la patrie, n'est-ce pas les chefs "communistes" qui les avaient dissipés par un travail de longues années ? N'est-ce pas pour cela, parce qu'ils se réclamaient du communisme, c'est- à-dire de la solidarité effective et permanente des ouvriers de tous les pays, en quelque circonstance que ce soit, que les masses leur avaient fait confiance ?
Et cette confiance, ils s'en servent maintenant pour faire croire aux masses qu'il faut lutter jusqu'au bout pour la "libération nationale" ! Mais jusqu'à quel bout ? pour quelle libération ? Quel avenir nous préparent-ils dans leur comité avec les De Gaulle, d'Astier de la Vigerie et autres cagoulards et candidats Gallifet ? L'occupation des impérialistes alliés à la place des impérialistes allemands (Eisenhower à la place de von Rundstedt) ? Le régime policier de Vichy "régénéré" par les généraux d'Alger ? Le chômage et la misère que le maintien du capitalisme ne peut qu'aggraver dans la France ravagée et dépeuplée par la guerre ? Le rôle de gendarmes dans une Europe occupée ? Celui de fournisseurs de chair à canon pour les trusts (300.000 Français sont déjà "accordés" à Roosevelt pour la guerre en Extrême-Orient après la campagne d'Europe) ?
Et avec tout cela peut-on parler d'indépendance dans un monde dominé par une poignée de riches capitalistes (en premier lieu américains et anglais) et où la guerre et la paix, c'est-à-dire la vie et la mort des peuples, dépendent, comme le répètent tous les jours les chefs alliés, d'une "bonne entente" entre deux ou trois grandes puissances ?
Dans le monde capitaliste l'indépendance n'est qu'un vain mot. La "libération de la patrie", est un monde que nous connaissons déjà, c'est celui de Versailles, c'est l'ordre nouveau d'Hitler, c'est un monde où la victoire capitaliste renforce l'exploitation des masses.
La politique social-patriote des chefs staliniens ne peut que perpétuer ce monde.
La tâche des travailleurs n'est pas de mourir pour la patrie de leurs exploiteurs. Nous n'avons pas pu empêcher la guerre : sachons y mettre fin dans l'intérêt des travailleurs. En 1917, c'est en rompant avec les social-chauvins que les ouvriers de Russie renversèrent leur bourgeoisie et appelèrent les peuples du monde à cesser de s'entre-tuer donnant, les premiers, l'exemple de la résistance prolétarienne qui mit fin à la guerre.
Aujourd'hui, c'est aux ouvriers communistes qui veulent réellement en finir, d'abandonner à leurs Ministères les chefs "ouvriers" super-patriotes, et d'opposer au front commun des capitalistes et des social-patriotes de tous les pays la lutte de classe solidaire des exploités français et allemands pour les Etats-Unis socialistes d'Europe. Et si demain les impérialistes anglo-américains envoient leurs troupes pour remplacer l'armée allemande, c'est toujours en fraternisant que les travailleurs français allemands, anglais, américains, etc... empêcheront la victoire des capitalistes. Suivons en cela l'exemple de la COMMUNE DE PARIS qui, comme disait Marx, "EN VUE DE L'ARMEE PRUSSIENNE QUI AVAIT ANNEXE A L'ALLEMAGNE DEUX PROVINCES FRANCAISES, ANNEXA A LA FRANCE LES TRAVAILLEURS DU MONDE ENTIER" !
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Il arrive souvent que des ouvriers ayant des revendications à formuler, s'adressent à la direction par l'intermédiaire du délégué du Comité social. S'il s'agit d'un rajustement de salaire, la réponse est connue : "La LOI n'autorise pas qu'on vous paye davantage ; vous gagnez déjà plus qu'il ne faut ; je n'ai pas le droit de vous augmenter, etc...". Si les ouvriers demandent à élire eux-mêmes leurs délégués au Comité social, on leur répond encore "qu'il n'y a pas de LOI obligeant les patrons à reconnaître les délégués ouvriers" et évidemment la direction ne les reconnaît que s'ils lui sont soumis et dévoués.
Lorsqu'il s'agit des intérêts ouvriers il n'y a jamais de LOI pour les soutenir. Lorsqu'il s'agit des intérêts patronaux, s'il n'y a pas de loi pour les défendre, on a vite fait d'en créer une : lorsque les patrons ont eu besoin de main-d'œuvre pour participer à fond à l'effort de guerre et surtout pour remplir leurs coffres-forts, aussitôt une loi a surgi augmentant la journée de travail et interdisant à l'ouvrier de quitter son patron. Les femmes, qui d'après la loi "communautaire" étaient condamnées à rester à leurs chaussettes, sont "autorisées" (sic) à participer à la production.
Quand l'anarchie capitaliste est impuissante à gérer sa propre économie et que la main-d'œuvre devient surabondante (manque de courant, manque de matières premières, etc...), les lois, décrets et circulaires abondent immédiatement pour autoriser les patrons à réduire la journée de travail sans augmentation du salaire horaire, ou même à pratiquer la mise à pied, ce qui naturellement entraîne un abaissement du standard de vie de l'ouvrier qui pourtant est déjà bien faible.
Et quand la bourgeoisie se met à donner des lois soi-disant au profit des ouvriers, ce ne sont que des mensonges et de la poudre aux yeux, comme cette Charte du Travail, d'après laquelle le Syndicat n'a plus d'autre fonction que... d'encaisser des cotisations.
Mais puisque les droits des ouvriers sont réduits à rien, il faut qu'ils se préparent clandestinement à l'action. Unis, nous saurons bien par notre action en imposer aux patrons, nous saurons bien les obliger, comme en juin 1936, a reconnaître nos droits, en attendant le jour où nous nous débarrasserons de la domination de la bourgeoisie, de son Etat et de ses lois.
La bourgeoisie a dû reconnaître, par la voix de son laquais Déat, que la situation est sans issue. Ces messieurs ne savent plus ou donner de la tête.
Il faut des hommes pour déblayer les démolitions causées par les bombardements, il en faut pour reconstruire les lignes de chemin de fer, aussi pour rebâtir ; mais d'autre part il faut des hommes pour le maintien de l'ordre, pour réduire le maquis et pour assurer la garde des voies de communications. Et pendant ce temps, dans d'autres branches, le manque de charbon, d'électricité et de gaz jette à la rue des milliers d'ouvriers condamnés au chômage. Et tandis qu'à ces milliers d'ouvriers, à qui il faut, comme dit Déat, "vivre et par conséquent gagner un salaire", le même Déat regrette d'être obligé de "doser" les indemnités pour heures perdues, les "finances publiques" (c'est-à-dire les masses travailleuses qui payent les impôts) se voient accablées de la terrible charge du chômage, alors que la reconstruction exige tant de bras.
Tout cela, pour Déat, ce sont des contradictions. Mais pour les masses, cela constitue un véritable danger de déchéance et de mort par la famine, la paupérisation et le chômage ; c'est une question de vie ou de mort.
La bourgeoisie a vite résolu le problème quand il s'agit de loger les sinistrés restés sans foyer après les bombardements : qu'ils aillent s'entasser dans les bouches de métro ! Si la classe ouvrière a faim, qu'elle aille à la roulante ! Si les ouvriers jetés sur le pavé ne veulent pas rester inactifs, qu'ils aillent déblayer ! Ces solutions qui, comme le reconnaît Déat, ne résolvent rien, sont des solutions bourgeoises, contre les intérêts du peuple.
Mais même si les capitalistes voulaient remédier aux maux qu'ils ont eux-mêmes déchaînés, ils n'y pourraient rien faire, car ils ont chacun leurs ouvriers, leur comptabilité, leurs matières premières, bref leur propriété privée ; ils ne travaillent que pour leurs bénéfices et pour leurs intérêts privés. Loin de pouvoir nous sortir de la situation inextricable où ils nous ont menés, ils ne peuvent que nous plonger dans de pires catastrophes pour le maintien de leur propriété privée.
A la mortelle anarchie capitaliste, nous devons opposer le PLAN OUVRIER.
Seul le retour à la production de paix (des tracteurs et non des tanks !) permettra la reprise des échanges avec la campagne, évitera la famine et arrêtera la hausse vertigineuse du coût de la vie, qui ruine les petites gens des villes.
Les ouvriers n'ont pas besoin d'hommes pour maintenir "l'ordre" (c'est- à-dire l'exploitation capitaliste) ni pour réduire le maquis. Le prolétariat n'a aucun intérêt à concentrer les ouvriers de tout un continent dans un seul pays (déportation en Allemagne). Il mettra immédiatement à la disposition des besoins de la société – rééquipement de l'industrie, des chemins de fer, etc... – toutes les forces de la nation. Enfin, seul le plan ouvrier peut assurer les échanges pacifiques, déterminés par les différents besoins nationaux, entre les peuples d'Europe et du monde, excluant ainsi la guerre.
Groupons-nous pour organiser notre action :
Pour l'établissement de l'échelle mobile des salaires !
Pour l'échelle mobile des heures de travail ! (c'est-à-dire répartition égale de toutes les heures de travail entre tous les bras libres au lieu du chômage pour les uns et les 60 heures pour les autres !)
Pour la réquisition des locaux bourgeois vides pour les sinistrés !
Pour le contrôle ouvrier sur les cantines et le ravitaillement !
Pour le retour à la production de paix !
Pour le plan ouvrier !
Les bénéfices encaissés par les trusts sont le principal but de guerre des impérialistes, mais qui ne figure bien entendu pas dans la Charte de l'Atlantique et autres traités. En voici une illustration, donnée par la presse allemande, évidemment sur le compte de l'ennemi : "Le wolfram espagnol est entre les mains de la Compagnie Royale Penarroya, filiale de la Banque anglaise Rothschild qui contrôle la production mondiale du wolfram. La haute finance de Londres a donc réalisé de gros bénéfices sur les livraisons de wolfram faites par l'Espagne à l'Allemagne, sans se demander si ce minerai devait être utilisé contre l'Angleterre".
Pendant qu'on apprend aux peuples allemand et anglais à se haïr pour mieux s'entretuer, les trusts anglais encaissent des bénéfices prélevés sur du matériel de guerre livré à leurs "ennemis" ! Mais ce qui est valable pour des trusts anglais, l'est aussi pour les trusts allemands. La Société Electrique AEG, ou la Société Chimique IG-Farbenfabrik, sont des trusts à ramifications internationales. Et sans parler de leur activité en territoire neutre (comme plus haut la Penarroya), la Société IG par exemple, est plus prospère que jamais aux Etats-Unis d'Amérique ! Les lois de la guerre, si cruelles jusque pour les femmes et les enfants, permettent cependant que les intérêts de ces gros monopoles en territoire ennemi, soient sauvegardés par l'entremise des neutres.
Mais ceci n'est pas le cas de "quelques" trusts seulement ; toute la grande industrie capitaliste de tous les pays est entre les mains des grandes banques et des trusts qui se partagent les richesses du monde entier, et qui sont loin d'être liés à des intérêts exclusivement nationaux. De sorte que l'industrie de guerre allemande prélève (sur les ouvriers allemands) des bénéfices qui vont dans les poches des capitalistes anglais, américains, etc... de même que l'industrie de guerre anglaise et américaine prélève des bénéfices (sur les ouvriers anglais et américains) qui vont dans les poches des capitalistes allemands, japonais, etc... Quand Hitler et Churchill parlent de guerre de défense nationale, ils sont donc tout simplement payés par les trusts pour mentir !
Tandis que la guerre affame et appauvrit le peuple, elle est pour les capitalistes une excellente affaire ; tandis que les ouvriers y laissent leur santé et leur vie, pour les capitalistes il peut tout au plus s'agir de la perte d'un marché ou d'une clientèle. Malgré les souffrances inouïes que la guerre et la défaite ont values au peuple français la Banque de Paris et des Pays Bas a toujours dans son bilan les bénéfices tirés de l'exploitation de l'Indochine et les trusts qui exploitent la Métropole (sous l'occupation des Allemands), n'en continuent pas moins à conserver leurs actions et leurs bénéfices sur leurs possessions d'Afrique du Nord (sous l'occupation des Anglo-Américains).
Les impérialistes qui bombardent sans pitié et sans discernement les populations laborieuses, épargnent les industries qui travaillent en territoires ennemi, mais dont ils possèdent des actions (l'histoire du bassin de Briey est celle de dizaines d'autres semblables). Pour pouvoir se servir des ouvriers comme chair à canon pour leurs brigandages, les capitalistes cachent leur véritable nature et divisent les peuples par des haines nationales. Mais les intérêts des monopoleurs sont au-dessus des frontières nationales, car ils se sont partagé le globe entier pour l'exploiter !
Pour que les ouvriers mettent fin à la guerre, la solution n'est donc pas dans la haine pour tel ou tel peuple : c'est au contraire faire le jeu des monopoleurs. La solution est dans l'expropriation des trusts et des capitalistes.
D'où vient l'impuissance des divers gouvernements devant les trusts ? Pourquoi ne peuvent-ils rien contre leurs agissements, même quand leurs intérêts politiques sont en jeu ? C'est parce que les trusts ne sont que le couronnement de la propriété privée des capitalistes sur les moyens de production (usines, mines, etc...). Les gouvernements capitalistes, gardiens de la propriété privée, sont obligés de respecter celle-ci par-dessus tout !
Pour briser l'action malfaisante des trusts, pour exproprier la propriété capitaliste, il faut un pouvoir fort, issu véritablement des masses laborieuses. Ce pouvoir c'est celui de la dictature du prolétariat, de la République des Conseils Ouvriers et Paysans.
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