1943 |
LA LUTTE de CLASSES – n° 17
|
LA LUTTE de CLASSES – n° 17
LEVONS L'ÉTENDARD
DE LA GUERRE CIVILE ! |
La deuxième guerre mondiale entre dans sa cinquième année. Les dirigeants des pays impérialistes en guerre s'évertuent à exalter devant "leurs" peuples la justesse de la cause qu'ils représentent et démasquent les buts criminels de leurs adversaires.
Mais avec des prétextes quelque peu différents et avec certains changements d'alliances, la présente guerre n'est que la continuation de celle de 14-18, en ce sens que c'est pour les mêmes motifs impérialistes (capitalistes) que sont entrés en lutte l'Allemagne, l'Angleterre, l'Amérique, le Japon, la France et l'Italie.
Quand Daladier déclara la guerre à l'Allemagne en septembre 1939 il invoqua l'ordre européen créé par le traité de Versailles. L'"ordre" de Versailles c'était le partage, dans la chair vive des peuples, du continent européen, suivant les intérêts économiques (capitalistes), militaires et politiques de l'impérialisme français vainqueur avec ses alliés du premier conflit mondial. Daladier voulait maintenir l'hégémonie du capitalisme français en Europe, hégémonie menacée par l'avance allemande de 1936 à 1939 et surtout maintenir dans l'esclavage les 60 000 000 d'esclaves coloniaux exploités par les capitalistes français Les intérêts des capitalistes français coïncidaient avec les intérêts des capitalistes anglais qui avaient déjà été obligés de se défendre contre le capitalisme allemand en 14-18.
Hitler prétendait lutter contre l'iniquité de l'ordre de Versailles qui étouffait l'Allemagne et la majorité des populations du continent et une fois vainqueur en juin 1940 il instaura sur le continent un super-Versailles allemand, c'est-à-dire le partage, dans la chair vive des peuples, du continent européen suivant les intérêts économiques (capitalistes), militaires et politiques de l'impérialisme allemand. Ayant jeté le peuple allemand dans la guerre en affirmant le droit du "sang" c'est-à-dire de l'unité du peuple allemand et son droit de vivre sur un territoire unifié (Sudètes, Dantzig, etc...), il proclama bientôt la lutte pour "l'espace vital" et découvrit ses oreilles d'âne capitaliste en proclamant la volonté du capitalisme allemand de "réorganiser" l'Afrique.
Tel est le véritable enjeu de la lutte ouverte en 1939. La démocratie, l'ordre nouveau (sous la domination des capitalistes !), le droit des peuples, etc..., ne sont que des prétextes pour masquer aux yeux des peuples la véritable cause du conflit qui met périodiquement l'humanité à feu et à sang.
La véritable cause de la guerre, comprise par de larges masses en 1918 mais oubliée depuis grâce aux abandons de ceux qui avaient la charge de le leur rappeler constamment, c'est l'impérialisme, c'est-à-dire la lutte de la bourgeoisie des vieux pays capitalistes POUR GARDER ET CONQUÉRIR DES MONOPOLES ÉCONOMIQUES.
C'est pourquoi les capitalistes américains et japonais ne pouvaient pas rester en dehors de cette deuxième lutte pour le repartage capitaliste du monde. Peut-on sérieusement croire un instant que les banquiers de New-York qui ont laissé Mussolini conquérir l'Abyssinie, Franco assassiner l'Espagne, Hitler engloutir la Tchécoslovaquie, etc... sont entrés en guerre pour sauver la France ou la Chine ? Les banquiers de Tokyo étaient engagés depuis 1937 dans une lutte gigantesque pour la conquête de la Chine et là ils menaçaient gravement les intérêts des capitalistes américains et anglais.
A côté de ces groupes impérialistes, dans le camp allié se trouvent deux pays qui ne sont pas des pays impérialistes. L'URSS avec son économie planifiée et la Chine semi-coloniale sont menacées, au-delà des présents dangers militaires, par le capitalisme mondial, dont la sauvegarde n'est pas moins essentielle à Roosevelt et Churchill qu'à Hitler et Badoglio. Quelle que soit la politique des dirigeants de ces deux pays dans la présente guerre, seule la chute du capitalisme peut sauver l'URSS et la Chine, l'URSS en tant qu'économie nouvelle au service du socialisme, la Chine en tant que pays colonial voué par les impérialistes au démembrement et à une exploitation renforcée.
La guerre est aussi le moyen suprême que la bourgeoisie utilise pour échapper à la révolution prolétarienne. En plongeant périodiquement les peuples dans des guerres fratricides, en élevant un mur de boue et de sang entre la classe ouvrière des différents pays, les capitalistes espèrent saper à jamais l'union internationale du prolétariat et rendre impossible la révolution socialiste. MAIS SI DANS LA GUERRE IMPÉRIALISTE LES EXPLOITES DE TOUS LES PAYS GARDENT LA CONSCIENCE DE LEUR SOLIDARITÉ, ALORS LA GUERRE MÊME PEUT HÂTER LA CHUTE DU CAPITALISME. C'est ainsi que grâce au Parti bolchévik, la participation de la Russie tsariste à la guerre hâta la chute de l'autocratie et du capitalisme Russes.
La résistance et les victoires de l'armée Rouge depuis juin 1941 ont permis au capitalisme anglais et au capitalisme américain de se préparer à loisir pour la conquête militaire du continent, et le quatrième anniversaire de la guerre a été choisi par eux pour débarquer en Europe. Les illusions semées à leur endroit par les agents conscients et inconscients du capitalisme, (parmi ces derniers surtout les prétendus défenseurs de l'URSS, les staliniens) sont quelque peu refroidies par les bombardements que subit la population civile, et qui ne sont cependant qu'un faible avant-goût de ce qui doit se produire.
Devant ces événements nous répétons inlassablement : il y a deux voies, également douloureuses, remplies de sang, de destruction et de souffrances sans nombre. LA VOIE CAPITALISTE, qui consiste à aider les impérialistes alliés à occuper le continent ruiné pour y établir leur domination, qui mènerait à une autre série de guerres.
LA VOIE PROLETARIENNE, qui consiste à utiliser les difficultés croissantes et les défaites de l'impérialisme allemand pour mener une politique de classe et, en union avec les ouvriers d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne, des Balkans, etc... renverser le capitalisme sur le continent et fonder les Etats-Unis socialistes d'Europe.
Cette voie est celle de la Quatrième Internationale. C'est la seule qui permette la reconstruction socialiste du monde dans la paix, le bien-être et la cohabitation fraternelle de tous les peuples du globe.
Puissent les travailleurs français en comprendre à temps la signification et contribuer d'une façon décisive à la libération du genre humain !
Dans la société capitaliste, les hommes travaillent les uns pour les autres sans se connaître, sans connaître leurs besoins, persuadés que leurs rapports se règlent d'eux-mêmes, à travers la ruine et la culbute des moins habiles et des plus faibles, à travers les alternatives de "prospérité" et de "surproduction". Les rapports sociaux entre les hommes se forment ainsi objectivement sur la base de l'échange, indépendamment de leur volonté : il ne dépend pas de la volonté de l'ouvrier que, tant que dure le régime capitaliste, il soit obligé de se vendre pour subsister. Chacun pense pour soi-même, aucun pour tous, mais les lois de l'échange règlent les proportions relatives entre les différentes branches de l'économie indispensable à la vie.
La propriété caractéristique de la force de travail de l'ouvrier est qu'elle créée plus de valeur que n'en exige son entretien et sa reproduction. Le supplément de valeur qu'elle produit, Marx l'appelle la plus-value. "Et la lutte de classe n'est rien d'autre que cette lutte pour la plus-value. Celui qui possède la plus-value est le maître de la situation. Il est le maître de la richesse, il est le maître de l'Etat, il a la clé de l'Eglise, de la Cour, des sciences et des partis". Cette plus-value appartient aux possesseurs des moyens de production : aux capitalistes.
D'autre part, chaque capitaliste pour survivre doit produire plus et meilleur marché que son voisin. C'est la lutte de tous contre tous et de tous contre le Prolétariat. Mais de la concurrence même surgit le monopole : dans leur lutte pour la vie, les capitalistes sont amenés à chercher à limiter la concurrence par des ententes toujours dénoncées et continuellement changeantes. "L'élimination de la concurrence par le monopole marque le commencement de la désagrégation de la société capitaliste. La concurrence était le ressort créateur principal du capitalisme, et la justification historique du capitalisme... elle avait besoin de certaines libertés, d'une atmosphère libérale, d'un régime de démocratie, d'un cosmopolitisme commercial. Le monopole réclame un gouvernement aussi autoritaire que possible, des murs douaniers, ses "propres" sources de matières premières et ses propres marchés (colonies). Le dernier mot dans la désagrégation du capital monopolisateur, c'est le fascisme".
Le capitalisme ne produit pas pour la société, mais pour lui. Il est donc, partout et toujours, prêt à limiter la production, même à détruire les stocks, pourvu que sa propre part dans le revenu national s'en accroisse. Le Brésil brûle son café dans les locomotives. La France est ruinée, mais les grosses maisons font de substantiels bénéfices, ainsi qu'il ressort des chiffres suivants :
bénéfices en 1941 |
|
Sucrerie Say |
38.646 544 |
Vins Damoy |
33.154.566 |
Maison Péchiney (engrais et produits chimiques) |
77.556.330 |
Voilà ce qu'est le capital monopolisateur. Les nations sont saignées, les classes moyennes usées et paupérisées, le prolétariat décimé : une poignée de familles, groupées par les liens de la parenté et de l'intérêt commun en une oligarchie capitaliste fermée, dispose du destin économique et politique des nations.
exemple : en 1911 |
|
MM. |
Contrôlaient plus ou moins : |
O. HOMBERG (Laval a été son agent électoral) |
Banque de France, Union Parisienne, Banque d'Indochine, |
E. SCHNEIDER, père du Schneider actuel : |
Banque de Paris et des Pays Bas, Banque Commerciale Italienne, |
L'impérialisme ne se contente pas de ruiner les nations avancées, d'entretenir une guerre permanente et de détruire, avec la démocratie, les derniers droits (droit de grève, presse ouvrière) dont jouissaient les ouvriers dans les métropoles. Il s'oppose au développement de cette même démocratie dans les pays retardataires. "Tout en pillant la richesse naturelle des pays arriérés et en freinant délibérément leur développement industriel indépendant, les magnats monopoleurs et leurs gouvernements accordent un soutien financier, politique et militaire aux groupes semi-féodaux des exploiteurs indigènes les plus réactionnaires, les plus parasites... La libération des peuples coloniaux en sautant les étapes intermédiaires se transforme par nécessité en une lutte contre l'impérialisme, et par là elle donne la main à la lutte du prolétariat dans les métropoles".
Comment mettre fin à ce gigantesque pillage mondial ? Retour à la concurrence, à la démocratie ? Mais nous avons vu que la libre concurrence engendre le monopole et, dans la démocratie capitaliste, la majorité gouverne, mais contrôlée par les monopoles, eux-mêmes contrôlés par un nombre d'actionnaires très restreint. "La domination du plus faible par le plus fort, du plus grand nombre par quelques uns, des travailleurs par les exploiteurs, est une loi fondamentale de la démocratie bourgeoise". En dictature comme en démocratie, sous Daladier, Blum ou Pétain, l'Etat reste le comité exécutif de la même classe dirigeante : la Bourgeoisie. Voilà pourquoi aucun gouvernement n'est en mesure de lutter contre les monopoles en général, c'est-à-dire contre la classe par la grâce de laquelle il règne. S'il s'attaque à certains monopoles, c'est en s'appuyant sur les autres.
Aussi n'est-ce qu'un mensonge d'opposer sur ce plan "fascisme" et "démocratie". Ce qui est déterminant en fin de compte, ce sont les intérêts économiques. De Gaulle comme Pétain réclament pour la France le "droit" à l'exploitation des colonies. Mussolini a fui, mais Badoglio continue la guerre pour sauvegarder les droits d'une poignée de capitalistes italiens au pillage de l'Afrique.
Mais le capitalisme a porté la technique au niveau le plus élevé qu'elle puisse atteindre sur la base de la propriété privée. Il a unifié économiquement le monde, créant une économie mondiale, un marché mondial, une exploitation mondiale. Il a ainsi réalisé les conditions nécessaires à l'utilisation systématique des ressources mondiales. Cependant, cette utilisation il ne peut la réaliser, car la base de son expansion reste toujours le vieil Etat national avec son armée, ses douanes, ses frontières où étouffe la production. L'"économie de guerre", l'autarcie, n'est pas une solution : l'autarcie allemande a été la base du pillage actuel de l'Europe. Par l'autarcie, "on prépare la base nationale pour une nouvelle guerre".
La solution est autre. "Pour sauver la société, il n'est pas nécessaire d'arrêter le développement de la technique, de fermer les usines, de transformer les 1/3 des travailleurs en mendiants, ni de faire appel à des fous comme dictateurs... Ce qui est indispensable et urgent, c'est de séparer les moyens de production de leurs propriétaires parasites actuels et d'organiser la société d'après un plan rationnel".
"Cette tâche urgente, l'expropriation des expropriateurs, ne peut être accomplie que par le prolétariat. Lui seul possède la cohésion et le force suffisante. Sa libération est celle de l'humanité entière. Sous la conduite de son Parti qu'il forge à travers ses épreuves, il accomplira sa mission par la Révolution socialiste. Une fois qu'elle commencera, la révolution socialiste se répandra d'un pays à l'autre avec une force irrésistible. Par l'exemple et avec l'aide des nations avancées, les nations arriérées seront emportées aussi dans le grand courant du socialisme. Les barrières douanières entièrement pourries tomberont. les contradictions qui divisent l'Europe et le monde entier trouveront leur solution naturelle et pacifique dans le cadre des Etats-Unis Socialistes, en Europe comme dans les autres parties du monde. L'humanité délivrée s'élèvera jusqu'à sa pleine hauteur". (Trotsky).