1939 |
Article publié dans « LA VOIE DE LENINE » nº3 (pages 30 à 32) |
Questions de la IVème Internationale
"Centre marxiste" et IVème Internationale
Le passé est l'image de l'avenir, en ce sens que l'évolution ne peut pas changer les rapports définis par un simple changement d'étiquette. La création de l'Internationale est la tâche la plus urgente du mouvement ouvrier actuellement ; mais l'initiative prise par le P.O.U.M. en vue de créer un "Centre International Marxiste" avec la presque totalité des organisations ayant appartenu au F.O.I. appelle la plus grande réserve – en considération du problème à résoudre. Il s'agit de renforcer le lien organisationnel entre groupements qui, par leur formation et leur évolution, n'ont de commun que leur absence de programme et leur opposition commune à ce que le programme soit précisé à la lumière des expériences les plus récentes. Nous nous proposons de rappeler aux camarades comment fut menée la lutte pour la nouvelle Internationale, ce qui éclairera tout au moins le rôle que pourra jouer le "Centre" dans les graves circonstances que nous avons à affronter.
La défaite sans lutte en Allemagne, en 1933, découvrit la pourriture totale de l'I.C. stalinisée et l'impossibilité de la redresser. Le 3ème Parti mondial du prolétariat succomba avant de mener à bien l'émancipation des travailleurs. D'où la nécessité de bâtir une nouvelle Internationale, sur la base des enseignements des trois précédentes. Voilà le sens de la lutte commencée par l'Opposition de Gauche Internationale – opposition luttant dans la plupart des sections de l'I.C. sur le programme B.L. qui rompit alors avec l'I.C. et devint Ligue Communiste Internationale.
Dans différents pays, il y avait d'autres partis n'appartenant ni à la 2ème ni à la 3ème Internationale, mais la plupart du temps, gravitant autour d'elles. La L.C.I. entreprit la lutte pour dégager un courant politique pour la 4ème Internationale, en posant le problème politique à certaines d'entre ces organisations, en discutant avec elles.
Les 26 et 27 août 1933 eut lieu à Paris une Conférence convoquée par l'I.L.P. anglais, à laquelle participèrent 14 organisations : Parti ouvrier norvégien (N.A.P.), Parti d'Unité Prolétarienne (P.U.P.), l'I.L.P., Parti Socialiste Indépendant ( O.S.P., Hollande), Parti Révolutionnaire Socialiste (R.S.P., Hollande), Parti Socialiste Ouvrier (S.A.P., Allemagne), le Léninbund, etc... Certains de ces partis représentaient une base de masse, d'autres étaient presque inexistants, comme le Parti Socialiste Indépendant de Roumanie. Deux tendances se firent jour à cette Conférence.
La plupart des partis représentés se sont mis d'accord, "chacun de leur point de vue", qu'il ne fallait pas d'Internationale. Le P.U.P., parce qu'il voulait unifier la 2ème et la 3ème. L'I.L.P., pour ne pas "repousser" les bons éléments de la 3ème. Le N.A.P. pour pouvoir unifier les oppositions de la 2ème. Sous des prétextes variés, ces partis, avec une politique "différente", s'opposèrent à la création de l'Internationale [1].
L'Opposition de Gauche signa avec l'O.S.P., le R.S.P. et le S.A.P. une déclaration dite "des 4", pour la création d'une nouvelle Internationale. "Les signataires s'engagent à contribuer de toutes leurs forces pour que cette Internationale se forme dans le plus bref délai possible sur les fondements inébranlables des principes théoriques et stratégiques posés par Marx et Lénine. Prêts à collaborer avec toutes les organisations, groupes, fractions qui évoluent réellement du réformisme ou du centrisme bureaucratique (stalinisme) vers la politique du marxisme révolutionnaire, les signataires déclarent en même temps que la nouvelle Internationale ne peut permettre aucune tolérance à l'égard du réformisme ou du centrisme. L'unité nécessaire de la classe ouvrière ne peut être atteinte par une mixture des conceptions réformistes et révolutionnaires, par une adaptation à la politique staliniste, mais seulement en surmontant la politique des deux Internationales banqueroutières."
La déclaration "des 4" fut une étape épisodique dans la création de la nouvelle Internationale. Le S.A.P., ainsi que l'O.S.P. (De Kadt) – dont une aile fusionna avec le R.S.P. et donna naissance au R.S.A.P. (Sneevliet) – renoncèrent à "surmonter la politique banqueroutière des deux Internationales" et entrèrent dans le Bureau de Londres, plus tard devenu d'Amsterdam. Celui-ci comprit quatre partis – l'I.L.P., le N.A.P., l'O.S.P. et le S.A.P. Pour le N.A.P. et le S.A.P. ce fut un lieu de passage : le premier devint parti de gouvernement et se plaça à la "droite" de la 2ème Internationale ; le deuxième s'engouffra dans le stalinisme et "Front populaire".
Parallèlement, le mouvement des bolchéviks-léninistes pour la nouvelle Internationale s'accroissait en nombre – partis et groupes – et "cohésion politique". Cet accroissement s'opère par une sélection politique, à travers scissions et regroupements ; sa force essentielle est constituée par l'unité réelle des mouvements agissant dans les différents pays. En 1936, une Conférence internationale définit le programme du "mouvement pour la 4ème Internationale", non seulement du point de vue des principes, mais aussi stratégique et tactique.
La révolution espagnole et son déclin confirmèrent une fois de plus les enseignements du léninisme. Sans un parti ayant assimilé dans sa chair et os les principes qui ont permis à la révolution russe de vaincre, le prolétariat espagnol fut finalement battu. Toutes les positions ont été soumises à l'épreuve des faits. Le Congrès de la fondation de la 4ème Internationale (septembre 1938) fut placé devant la situation résultant de l'agonie de la révolution espagnole – "le danger de guerre et du fascisme". Elle élabora un programme de transition qui répond d'une manière précise aux besoins de la lutte prolétarienne dans la situation actuelle. Trente-cinq organisations de "tous les continents" élaborèrent ce programme devant leur servir de base à l'action concrète.
Dans la même époque, dans la même situation, à la Conférence constitutive du F.O.I. (29-30 octobre 1938), Brockway déclare qu'il faut "créer un centre uni sur des principes de base". Des partis constituant le F.O.I. quel lien existait-il entre le P.O.U.M. et le P.U.P., l'I.L.P. et Hashomer Hazaïr, le P.S.O.P. et les archéo-marxistes de Grèce ? L'opposition à la guerre "sans tactique définie" ? Signature de quelques manifestes ?
On nous dira peut-être qu'il s'agissait uniquement d'un Front unique. Mais alors quelle est l'expérience "positive" qui permet de réunir la plupart des partis ayant participé au F.O.I. en une organisation internationale sur la base d'une discipline commune ? Les questions politiques ont-elles été débattues et clarifiées ? Comment dans une Internationale qui se proclame marxiste, entre-t-il une organisation "non-marxiste" nationaliste comme Hashomer Hazaïr ? Le P.O.U.M. a-t-il discuté préalablement avec les organisations qui veulent constituer le "Centre" sur les enseignements de la révolution espagnole ? Ou bien est-ce qu'il cherche dans le "nouveau" Centre "un quitus" pour sa position politique dans la révolution espagnole ?
De tout cela, nous ne pouvons tirer d'autres conclusions, en ce qui concerne le "Centre" et son sort que celle indiquée par l'expérience d'un passé récent (Bureau de Londres, Amsterdam).
L'I.L.P. est né en Angleterre non pas par une opposition de fond au Labour Party, mais par une rupture formelle à savoir si les dirigeants de l'I.L.P. pouvaient voter dans le Parlement "selon leur conscience" ; le P.O.U.M. a pris dans des occasions favorables (septembre 36, mai 37) le contre-pied de la politique marxiste et sa direction trouve cela naturel ; mais le P.S.O.P. est un parti jeune qui a rompu politiquement d'avec la S.F.I.O. et qui a une volonté nette de vaincre, c'est-à-dire d'"apprendre" les leçons de l'expérience.
Si la proposition du P.S.O.P. – ainsi que l'a décidé le Congrès – d'inviter la 4ème Internationale à la Conférence est refusée, nous croyons qu'il est de la plus haute importance que le "programme de transition" élaboré par celle-ci soit discuté dans le P.S.O.P. ; s'il est conforme à la volonté de la majorité des militants, qu'il soit soumis par nos délégués à la Conférence. Dans cette voie, le P.S.O.P. se conforme à la démocratie prolétarienne et à sa volonté de mener le prolétariat à la victoire.
Notes
[1] Que reste-t-il aujourd’hui des arguments invoqués contre la création de la nouvelle Internationale ?