1935 |
Bulletin Intérieur n° 4 de la LCI (BL), page 3 édité par le Secrétariat International |
Comment s'est formé le groupe bolchévik-léniniste de Roumanie
novembre 1935
La déclaration de Staline[1] provoqua une grande inquiétude même parmi les stalinistes les plus arriérés. Malgré les affirmations des dirigeants plus ou moins haut-placés, selon lesquelles Staline aurait parlé "en diplomate" et les partis communistes de France et de Tchécoslovaquie continueraient la politique défaitiste à l'égard de leur propre bourgeoisie, ils ne réussirent point à tranquilliser les éléments qui commençaient à douter de la IIIème Internationale.
Malheureusement, pour différentes raisons, le groupe B.L. qui s'est formé en avril 1935 et dont les liaisons se limitaient au début au seul P.C. roumain, était longtemps coupé de l'extérieur et sans aucune information. C'est pourquoi, aux mensonges répandus par les staliniens, d'après lesquels ceux qui ont pris une position social-patriotique, comme Vaillant-Couturier[2] par exemple, auraient été chassés des P.C. de France et de C.S.R.[3] nous n'avons pu opposer aucun fait précis prouvant la position social-patriote de ces partis. Également, la Lettre ouverte aux ouvriers français du cde L.T.[4] nous manquait.
Dans ces circonstances, nous publiâmes en juin 1935 la brochure La IVème Internationale et la Guerre, avec une petite préface. Accusés par les stalinistes de tendre à la guerre civile en U.R.S.S., nous avons imprimé La IVème Internationale et l'U.R.S.S. de L.T.
Petit groupe très jeune, luttant avec beaucoup de difficultés (dans l'illégalité), nous subîmes tout le poids de l'appareil stalinien qui créait autour de nous une atmosphère insupportable et d'isolement par tous les moyens : calomnies, menaces, injures ("agents d'Hitler", "provocateurs",... "syphilitiques" ! )
De plus, pour un pays si arriéré au point de vue politique, avec des militants qui n'ont jamais pensé par eux-mêmes, les deux brochures étaient trop arides, et malgré leur diffusion assez large, n'ont été lues et comprises que par très peu de militants, mais elles ont contribué à faire connaître notre groupe et nos positions.
Dans la période actuelle, la politique du P.C. roumain vise la création d'un large "front populaire" pour défendre... les libertés démocratiques ! (En Roumanie règne une terreur inouïe ! ) Pour combattre la conception du F.P.[5] ainsi que d'autres questions théoriques et tactiques, nous avons écrit et publié en octobre 1935 la brochure Front populaire ou Front unique prolétarien ? ainsi que les Thèses sur le Front Unique Prolétarien (IVème congrès de l'I.C.).
La diffusion de ces brochures a été beaucoup meilleure que celle des deux premières, grâce au fait que le parti "unitaire" de Roumanie[6] (qui se situe à la gauche du S.A.P.[7]) qui prétend défendre les mêmes positions de principe que nous, mais qui s'accroche à tout prix à la légalité bourgeoise, ne faisait rien pour propager ses "principes" (leur journal a été interdit par le gouvernement). Nous avons pu diffuser nos brochures parmi ses militants ce qui nous a valu quelques adhésions.
Puis, nous publiâmes la Lettre Ouverte aux Ouvriers Français du camarade Trotsky, et multipliâmes l'article Qui défend l'U.R.S.S. et qui aide Hitler, dont la diffusion était très bonne (dans les pays où le mouvement ouvrier est illégal, toute publication passe d'une main à l'autre).
Entre temps, notre groupe s'était agrandi numériquement et s'est purifié. Nous sommes organisés en cellules qui font un travail régulier d'éducation et pratique.
La tâche la plus urgente est de former des cadres bien éduqués idéologiquement et un noyau ferme. En particulier, nous devons étudier l'histoire du mouvement ouvrier roumain à la lumière marxiste, travail qui n'a jamais été entrepris en Roumanie ; et élaborer une analyse et une perspective pour la Roumanie, en étroite liaison avec la situation internationale.
Il nous faut nous délimiter nettement de toutes les autres tendances, surtout des "unitaires" qui créent beaucoup de confusion, notamment par leur position centriste ("unité totale") envers la nouvelle Internationale.
Les conditions objectives dans lesquelles doit militer notre groupe sont très dures : aux persécutions policières il faut ajouter celles des social-démocrates et des staliniens, qui emploient les mêmes méthodes que les premiers. Mais nous surmonterons tous les obstacles, car les positions que nous défendons sont la seule voie pour l'émancipation de la classe ouvrière : la révolution mondiale.
En avant pour la IVème Internationale !
Barta
Notes
[1] "Monsieur Staline comprend et approuve pleinement la politique de défense nationale faite par la France pour maintenir sa force armée au niveau de sa sécurité". Communiqué annonçant la signature du pacte Laval-Staline (2 mai 1935).
[2] VAILLANT-COUTURIER rédacteur en chef de L'Humanité au moment de la conclusion du pacte Laval- Staline (2 mai 1935).
[3] République de Tchécoslovaquie
[4] camarade Léon Trotsky
[5] Front Populaire
[6] P.S.U. (Partidul socialist unitar) produit de la fusion en août 1933 du P.S.I. (Partidul socialist independent) Parti Socialiste Indépendant de Roumanie issu d'une scission (septembre 1931) du Parti Socialiste roumain, et du groupe, lui aussi issu de la social-démocratie, de Constantin Popovici.
[7] S.A.P. Sozialitische Arbeiterpartei (Deutschlands) Parti ouvrier socialiste d'Allemagne constitué le 4 octobre 1931 après l'exclusion des députés de l'aile gauche du Parti Social-démocrate allemand. Il comptait une quinzaine de milliers de militants à la veille de l'accession d'Hitler au pouvoir.