24/06/2001 - Conférence de presse d'Olivier Besancenot, candidat de la LCR aux présidentielles 2002

     Durant cette conférence militante, nous avons discuté et beaucoup échangé. Au-delà des majorités et minorités, une conviction commune s’est dégagée à propos de l’échéance électorale de 2002. Pour la LCR, les élections législatives et présidentielles, c’est, avant tout, deux choses : une constatation et une nécessité politique.
     Le constat d’abord, c’est que ces élections pourraient bien être une première. Il suffit simplement de lire la presse à propos de l’inquiétude du gouvernement face à la poussée de l’extrême gauche pour comprendre que c’est déjà la routine électorale toute entière qui semble perturbée.
     Cette routine, c’est la raison d’être d’un monde politique, qui, depuis 20 ans d’alternance, nous joue, pour les élections, une grande pièce théâtrale composée de petites phrases assassines, mais, qui sur le fond, s’accorde toujours pour nous envoyer contre un mur.
     Il y a encore 7 ans, on s’amusait, dans les milieux populaires, à savoir lequel des candidats ne tiendrait pas ses promesses. Aujourd’hui, on se contenterait de connaître les candidats qui pourront terminer leur campagne devant les urnes ou bien devant les juges (à part, bien entendu, Chirac qui a le bon droit avec lui pour se cacher derrière son mandat présidentiel. Rien que pour cette raison, souhaitons que ce soit son dernier !). Les affaires font ainsi de la politique un repoussoir, et c’est de cette façon que nous nous retrouvons dépossédés d’un débat qui touche pourtant à notre sort à tous.
     En 30 ans, les riches et les puissants n’ont probablement jamais été autant soudés et rassemblés derrière un étendard, une vérité unique, qui nous est présentée, de toute part, comme l’horizon indépassable : l’économie libérale. Ce nouveau stade du développement de la société actuelle, ce n’est rien d’autre que des exigences de rentabilité maximum, dictées par la soif des actionnaires de grandes multinationales et imposées par les intérêts patronaux. Tous les gouvernements successifs s’y sont ralliés, soit par vocation, pour ce qui concerne la droite, soit par résignation, pour ce qui est de la gauche libérale.Plus le patronat réclame des profits, plus la politique favorise le patronat. Celui-ci n’a rien à craindre du gouvernement. Au contraire, la Loi Aubry, le Pare, les privatisations ou les nouveaux cadeaux fait aux entreprises suffisent à prouver que la gauche plurielle ne défend en rien les intérêts des exploités. Tous acceptent, pour des raisons différentes, le dictat de la contre-révolution libérale. Tous ces candidats pourront demain, s’ils sont élus, recevoir la bénédiction et le label décernés par les maîtres d’un monde globalisé. Tous nous chantent la même chanson.
     Oui, le constat qui s’impose, c’est le contraste de cette situation politique. D’un côté, un univers politique qui stagne et aimerait nous endormir pendant qu’il laisse partir, quand il ne les offre pas directement, les fruits de la croissance à ceux qui s’enrichissaient déjà, hier, durant la crise. De l’autre, de nouvelles luttes sociales, un nouvel espace politique à la gauche de la gauche gouvernementale ainsi qu’une nouvelle génération militante, réchauffent le fond de l’air social et politique et redonnent ainsi de la couleur à l'air du temps.
     Ce contraste, c’est notre chance pour ces élections, c’est la chance de tous ceux qui luttent depuis des années pour construire une nouvelle représentation politique, un nouveau parti pour les travailleurs, une nouvelle force, à gauche, anticapitaliste, internationaliste, féministe et écologiste.D’où cette nécessité politique et ce défi : être présent aux élections présidentielles et législatives, soit par une candidature commune LO-LCR, soit par une candidature LCR/100 % à gauche, si LO se dérobait à ses responsabilités.
     Alors, oui, nous sommes candidats, en 2002, pour amplifier l’espoir qui est né des dernières élections européennes et municipales.
     Oui, je suis candidat pour une politique qui donne la priorité absolue aux droits sociaux sur les profits, la priorité absolue à des millions de personnes face à quelques millionnaires.
     Nous sommes candidats pour une politique anticapitaliste rendue crédible par le renouveau des luttes sociales qu’on observe en France, notamment depuis le grand mouvement de 1995 et comme le montre les récentes mobilisations contre les licenciements, mais aussi dans de nombreux autres pays. Nous sommes partie prenante, au coté des mouvements sociaux, associatifs et syndicaux, du grand mouvement de contestation et de résistance à la mondialisation qui, notamment depuis Seattle, se renforce chaque jour, pour la première fois, sur tous les continents, et particulièrement chez les jeunes.
     Je suis candidat contre l’arrogance du patronat et de ses amis de droite, pour dénoncer la dictature des actionnaires, mais aussi pour s’opposer à la complicité gouvernementale. Nous voulons défendre les intérêts de tous ceux qui sont victimes de la mondialisation, que ce soit dans le monde du travail comme dans l’ensemble de la société. Cette mondialisation capitaliste sert les puissants, les financiers et les industriels. Elle voudrait faire du bizness 24 heures sur 24 avec nos emplois, nos santés, le contenu de nos assiettes et nos vies. À cela, nous opposons l’internationalisme. Cela signifie, par exemple, que nous sommes solidaires des peuples d’Afrique écrasés par des régimes dictatoriaux, dirigés en sous-mains par de grandes compagnies pétrolières comme Elf, qui travaillent, en fait, pour les intérêts coloniaux de la France. Mais, ça veut dire aussi que nous combattons l’Europe actuelle, faite par et pour les patrons, celle de Maastricht et Amsterdam. Elle ne protège en rien de la mondialisation. Au contraire, elle constitue une pièce maîtresse du capitalisme international.
     Notre politique, ce serait d’imposer, tout de suite, des mesures radicales pour combattre le chômage et les inégalités, comme une loi d’interdiction des licenciements ou encore la transformation de tous les emplois précaires en emplois stables. Nous sommes aussi pour l’arrêt des privatisations et la mise sur pied de services publics européens répondant aux besoins sociaux élémentaires dans la santé, les transports, le logement, l’eau, l’éducation et les communications. Car, abolir les inégalités, c’est aussi combattre le fait que manger, respirer ou vivre sainement, voire tout simplement de profiter d’un environnement non pollué, soit un luxe. Ceux qui payent la facture écologique sont d’abord ceux qui subissent la fracture sociale.
     Notre politique, c’est une autre répartition des richesses. À l’heure de la reprise économique, il n’y a aucune raison que ce soient toujours les mêmes qui payent et toujours les mêmes qui profitent. D’autant que la misère explose en même temps que les profits en bourse. Elle touche maintenant des centaines de milliers de familles et broie des dizaines de régions. Aujourd’hui, trouver un emploi ne protège pas de la pauvreté. Qui peut vivre correctement avec le salaire d’une caissière ou d’un jeune travailleur de Mac Do.
     Nous proposons une augmentation généralisée des salaires d’au moins 1500 francs, et l’instauration d’un salaire minimum européen. Nous proposons aussi un revenu pour tous les jeunes de 18 à 25 ans, à hauteur du SMIC pour assurer un minimum d’autonomie à chacun ainsi que la formation et la qualification de son choix.
     Pour cela, il faut taxer les profits et les revenus du capital. Il faut, à l’inverse de ce qui est fait actuellement, une réforme fiscale radicale qui supprimerait, par exemple, la TVA sur les produits de première nécessité.
     Enfin, nous voulons établir une véritable alternative démocratique. Elle garantirait l’égalité des droits entre hommes et femmes, qui passe par l’égalité des salaires au travail. C’est aussi le droit pour les femmes de disposer du temps libre nécessaire pour s’impliquer dans la vie publique. Donc des tâches en moins, avec, par exemple, plus de service public et plus de crèches.
     Ágalité des droits également entre français et immigrés, en commençant par la régularisation de tous les sans-papiers ou le droit de vote des immigrés à toutes les élections. Egalité des droits enfin entre hétérosexuels et homosexuels. Mais, une autre organisation démocratique, qui se voudrait authentiquement participative, impliquerait le droit pour les populations d’élaborer, de décider et, surtout, de contrôler les grands choix politiques du pays. Dans les entreprises, l’ouverture des livres de compte ainsi que la levée du secret bancaire, commercial et industriel permettraient aux salariés de vérifier et contrôler les richesses produites par leur travail.
     Alors oui, nous sommes motivés pour défendre ce projet et cette politique. Le renouveau des luttes sociales et la poussée de l’extrême gauche peuvent aujourd’hui, pour la première fois, se traduire par un vote massif et utile, des travailleurs et des jeunes, qui sanctionne, à gauche, la politique du gouvernement.
     C’est donc enthousiaste, et convaincu que les bases d’un tel accord existent entre LO et la LCR, que nous proposons à Arlette Laguillier de nous rencontrer au plus vite. Nous pouvons et devons prendre nos responsabilités ensemble en menant une campagne commune pour 2002 derrière sa candidature.
     Nous souhaitons que l’enthousiasme l’emporte sur le sectarisme.
     C’est pourquoi, nous restons totalement disponibles à cet accord. L’extrême gauche, aujourd’hui, notamment depuis les dernières années, c’est deux manières de faire de la politique, deux courants, c’est deux partis : LO et la LCR. Il s’agit donc que ses deux voix s’accordent sur la base d’un programme commun pour renforcer la crédibilité d’une telle alternative électorale. À en croire certaines déclarations et à constater le fait que nos demandes soient, pour le moment, restées lettres mortes, l’éventualité d’un refus de LO existe.
     Parce que la nouvelle situation politique impose à l’extrême gauche de se projeter vers l’avenir, nous allons, dès maintenant, réunir toutes les conditions pour présenter des candidatures LCR/100 % à gauche, tant à l’élection présidentielle qu’aux législatives.Je propose à tous ceux qui se reconnaissent dans ce projet de relever ce défi avec nous : tous ceux qui ne supportent de trimer pour une poignée de privilégiés ; tous ceux qui n’acceptent pas de voir rogner les acquis sociaux ou démocratiques à cause de la voracité de quelques actionnaires ; toute la nouvelle génération que l’Etat regarde de travers et dans laquelle les employeurs ne voient qu’une main d’œuvre bon marché.
     Notre campagne commence aujourd’hui.
     Nous souhaitons y associer tous les syndicalistes, les militants associatifs, les féministes, toutes celles et tous ceux en quête d’un nouveau parti pour transformer la société, mais aussi tous ceux, qui, militants ou électeurs communistes, écologistes, ou socialistes ne se reconnaissent plus dans les candidatures sponsorisées par le gouvernement ou les partis qui soutiennent sa politique.
  Début