03/05/2001 - Rouge : LO et la LCR à la "une" - Une campagne commune est possible
La LCR et Lutte ouvrière sont à la "une". "Libération", "Le Monde", "Le Parisien", "France Soir", "Le Figaro", "Le JDD", les journaux télé, chacun aura eu son interview ou son reportage sur Arlette, Alain et leurs organisations respectives.
Au-delà du caractère moutonnier des médias, il y a dans l'actuelle campagne de presse quelque chose de plus substantiel, qui renvoie aux tendances politiques qui s'affirment dans le pays. On parle beaucoup, ici et là et de manière très discutable, d'"exception française", mais il est vrai que la France vit une configuration politique particulière, exceptionnelle pour l'extrême gauche. La situation actuelle combine une crise de représentation sans précédent, une résistance sociale à l'offensive patronale confirmée depuis 1995, la conversion sociale-libérale de la gauche plurielle, le déclin accéléré du Parti communiste, et une montée en puissance de l'extrême gauche. Dans un tel contexte, qui crée de l'espace pour l'extrême gauche et la gauche radicale, il y a peut-être une occasion historique pour les révolutionnaires. A condition de prendre la mesure des enjeux, de mettre l'accent sur ce qui rassemble, de faire converger les efforts pour l'action commune.
Il ne s'agit pas en effet de méconnaître les divergences entre organisations, leurs identités respectives, leur style, ou de constater les réalités communes et distinctes des électorats. La question qui est posée, en particulier à LO et à la LCR, est la suivante: cultive-t-on la "silhouette particulière" de chacune des organisations, ou choisissons-nous de créer les conditions pour une campagne commune?
La direction de la LCR a choisi de répondre en proposant une campagne commune autour de la candidature d'Arlette Laguiller pour l'élection présidentielle et de candidats LO-LCR aux législatives. Au-delà, dans les échéances de mobilisation - manifestation contre les licenciements, manifestation du 1er Mai -, la direction de la LCR a proposé une intervention et des banderoles communes des deux organisations. Mais sur l'action commune dans les manifestations, la réponse de la direction de Lutte ouvrière a été négative. Sur les prochaines élections présidentielle et législatives, la dernière livraison de "Lutte ouvrière" parle d'"ambiguït;és" ou de "politique mal circonscrite" de la LCR. Quant à Arlette Laguiller, elle a déclaré que "si les camarades de la LCR pensent que (sa) candidature reflète leurs idées, ils pourraient évidemment appeler à voter pour (elle)"...
La référence "100% à gauche" se présenterait comme "une simple différence quantitative avec la gauche plurielle". LO peut ne pas partager notre approche des listes "100% à gauche". On peut discuter de tel ou tel choix tactique dans deux ou trois municipalités. Mais en général, les listes "100% à gauche" soutenues par la LCR ont été des listes d'opposition à la politique gouvernementale. Les tracts, professions de foi, campagnes en témoignent. Contrairement à ce que dit LO, l'appellation "100% à gauche" est une formule populaire, pour montrer que nous le sommes vraiment et que les autres ne le sont pas - et non que nous sommes indulgents avec la gauche gouvernementale. Au contraire, nous accusons la gauche gouvernementale de ne pas faire une politique de gauche.
D'ailleurs, les électeurs ne s'y sont pas trompés. Si nos listes ont fait une petite percée, c'est parce qu'ils s'en sont saisis pour sanctionner le gouvernement. Et cela a été possible, surtout avec une concurrence significative de bien d'autres listes, parce que le programme, le profil de ces listes, le permettaient. Les articles de presse des derniers jours notent les convergences antigouvernementales de LO et de la LCR... Et c'est dans le même sens, sans ambiguït;é, que nous proposons une campagne commune, sur la base d'un plan d'urgence anticapitaliste dans la continuité des élections européennes. Quant aux consignes de vote au deuxième tour, les évolutions de la situation politique et des rapports d'une partie de l'électorat populaire avec la gauche plurielle créent les conditions pour définir une position commune. La recherche de convergences et d'accords politiques implique de "marcher séparément et (de) frapper ensemble" et le respect mutuel des deux organisations. Il ne s'agit pas d'ultimatums ou de diktats.
LO ne peut à la fois écarter les propositions d'actions communes et s'offusquer qu'en cas de refus de leur part nous prenions tous les moyens pour être présents lors des prochaines échéances. L'action commune exige une campagne commune, et LO ne peut se contenter de nous répondre, avec quelque condescendance: "vous pouvez toujours voter pour Arlette"... Ce n'est pas sérieux. La situation exige une campagne commune des deux organisations, et nous sommes pour notre part disponibles, sans préalable ni condition, pour toute discussion dans une telle perspective.
Il y a aujourd'hui deux organisations d'extrême gauche dans le pays, avec leurs différences et leurs convergences. Ces deux organisations seront présentes lors des prochains scrutins, mais rien ne justifie que cela soit séparément. Ne pas aboutir à une campagne commune serait irresponsable.
François Ollivier